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QUI
SUIS-JE ?
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AGENDA
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COUP
DE COEUR
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JOCASTE, la reine, cherche à satisfaire sa sensualité.
TIRESIAS, le devin, cherche à trouver sa place dans son époque.
CREON, le beau-frère, cherche à occuper le trône.
Tout le monde cherche à résoudre l’énigme mathématique du professeur Sphinx.
Et ŒDIPE, que cherche Œdipe ? A prouver qu’il est différent ? En quoi il est différent ? A être différent ?
Et puis il y a la JEUNE FEMME qui cherche à faire comprendre à Œdipe ce qu’il cherche vraiment.
LAIOS : Je ne sais pas. Mais ça veut forcément dire quelque chose.
JOCASTE : Force toi à y aller. Tu es peut-être sur le point de passer une étape.
LAIOS : C’est la première fois que tu t’intéresses autant à ma psy. Tu attends quelqu’un ?
JOCASTE : Non… Enfin… oui, il y a le devin Tirésias qui doit passer tout à l’heure.
LAIOS : Encore, ce charlatan ?
JOCASTE : Il va me dire mon avenir. Ça me détend.
LAIOS : La seule façon rationnelle de prévoir l’avenir, c’est d’analyser le passé. Le passé détermine le futur. Passé, futur. Passé, futur….
JOCASTE : Et le présent ?
LAIOS : Ca n’existe pas ça ! C’est simplement la frontière entre le passé et le futur. Ça n’a pas de durée. C’est purement théorique.
JOCASTE : Alors toi qui aime tant le théorique, pourquoi ne vis-tu jamais dans le présent ? Tu t’apercevrais d’ailleurs qu’on peut y faire beaucoup de choses très pratiques.
LAIOS : Comme quoi ?
JOCASTE : Toutes sortes de choses. (sonnerie de téléphone. Jocaste décroche.)
JOCASTE : Oui ? Faites-le entrer. (Elle raccroche.) C’est lui. Tu ne pars pas ?
LAIOS : Non, j’ai envie d’écouter. Ça m’instruira.
JOCASTE : Je suis d’accord sur ce point. Ça t’instruirait.
(Tirésias entre.)
TIRÉSIAS : Majesté ! Sire ! Mes hommages.
JOCASTE : Bonjour à toi Tirésias
LAIOS : Bonjour mon cher Tirésias, tu tombes vraiment bien. Quand j’ai su que tu venais, j’ai annulé ma séance. Car vois-tu, j’ai une question qui me tourmente. Et je crois que la science, dans l’état actuel des choses est impuissante à me fournir une réponse. Alors, j’ai pensé qu’un devin…..
JOCASTE : Quelle ânerie va-t-il encore sortir ?
LAIOS : Ce n’est pas une ânerie, ma douce et tendre. Très sérieusement, j’aimerais savoir combien il me reste de cheveux.
TIRÉSIAS : (Il sort une plume de sa poche, la laisse tomber et observe sa chute.) Trente cinq millions deux cent trois mille cent douze.
LAIOS : Et il a le culot de me répondre !
TIRÉSIAS : Vous m’avez posé la question, sire.
LAIOS : Tu peux me dire n’importe quoi, puisque je n’ai pas la réponse.
TIRÉSIAS : Si vous aviez eu la réponse, sire, vous n’auriez pas eu besoin de ma poser la question.
JOCASTE : Puisque te voici parmi nous, mon cher Tirésias, que vas-tu nous apprendre ?
TIRÉSIAS : Majesté, j’ai longuement observé le vol des oiseaux, les jours passés. Les dieux, à travers eux, m’ont indiqué clairement et sans qu’aucun doute ne soit permis, que l’enfant que vous attendez, sera un fils.
LAIOS : C’est bien Tirésias.
JOCASTE : C’est un garçon, effectivement. Avais-tu autre chose à nous dire ?
TIRÉSIAS : Comment, c’est un garçon ? Il est né ?
JOCASTE : Ca fait une bonne semaine.
TIRÉSIAS : Ah ? Et bien, personne ne me l’a dit en tout cas.
LAIOS : On ne parle que de ça dans toute la cité. Trois jours et trois nuits de réjouissances.
TIRÉSIAS : J’ai remarqué effectivement qu’il y avait beaucoup de remue-ménage, mais j’étais tellement absorbé à observer le ciel ces derniers jours…..
LAIOS : Enfin voilà ! C’est gentil en tout cas d’être passé nous voir.
JOCASTE : Attends ! Tant qu’il est là, il va bien nous faire encore une petite prédiction ou deux ?
LAIOS : Pourquoi pas ? On n’est jamais déçu. Mais vite. Je vais être en retard chez mon psy.
TIRÉSIAS : Vous venez donc d’avoir un fils, et peut-être désireriez vous connaître son avenir ?
JOCASTE : Nous aimerions le connaître, oui. Cet enfant est déjà tellement différent.
LAIOS : A mon avis, voyez-vous, il sera roi de Thèbes. Car quand on est fils du roi de Thèbes, il y a de fortes chances pour que cela vous arrive.
TIRÉSIAS : Nous allons voir ça. (Il se prépare à laisser tomber une plume.)
LAIOS : La divination, ou l’art de comprendre le monde en regardant tomber les plumes.
TIRÉSIAS : Je ferai remarquer à sa majesté le roi, qu’un physicien, et non des moindres, a eu sa grande révélation grâce à la chute d’une pomme. Moi j’utilise une plume. C’est plus léger et sa chute, plus lente, est donc parfaitement observable.
LAIOS : Plus léger encore est ton cerveau. As-tu essayé avec ?
TIRÉSIAS : J’en ai un autre usage, sire.
LAIOS : Vraiment ? Lequel ?
JOCASTE : Si tu laissais choir ta plume, que je puisse connaître l’avenir de mon fils ?
TIRÉSIAS : (Il laisse tomber la plume.) Il sera roi de Thèbes.
LAIOS : Tiens ?
TIRÉSIAS : Très jeune.
LAIOS : Pourquoi très jeune ?
TIRÉSIAS : Parce que vous mourez jeune.
LAIOS : Mort de quoi ? Je suis en parfaite santé.
TIRÉSIAS : (Rejette la plume.) Vous serez assassiné.
LAIOS : Assassiné, moi ? Par qui ?
TIRÉSIAS : (Rejette la plume.) Je… voudrais en être sûr. Une plume ne suffira pas. Et je n’en ai qu’une sur moi.
JOCASTE : Tu veux un oreiller ?
TIRÉSIAS : Bonne idée. (Il ouvre un oreiller et jette toutes les plumes en l’air.) Oh là là ! Oh là là !
JOCASTE : Tu nettoieras tout ça ensuite.
LAIOS : Attends ! Pourquoi dit-il « Oh là là ! Oh là là ! » ?
TIRÉSIAS : C’est votre fils qui vous tuera.
LAIOS : Ah ! Ciel ! Mais ça ne m’étonne pas. Voilà pourquoi mon rêve.
TIRÉSIAS : Ensuite, il couchera avec sa mère.
JOCASTE : Non !
LAIOS : Ah ! Ciel ! Mais ça ne m’étonne pas non plus.